Un ballo in maschera” by Giuseppe Verdi libretto (English-French)

Roles

Riccardo, Earl of Warwick and governor of Boston - tenor
Amelia, wife of Renato, in love with Riccardo - dramatic soprano
Renato, husband of Amelia and Riccardo's secretary, best friend and confidant - baritone
Oscar, Riccardo's page - coloratura soprano
Ulrica - contralto
A judge - tenor
Silvano - bass
Amelia's servant - tenor
Samuel - bass
Tom - bass

Personnages

Riccardo, comte de Warwick (ténor)
Amelia (soprano)
Renato, secrétaire du gouverneur, mari d'Amelia (baryton)
Oscar, page (soprano)
Ulrica, devineresse (contralto)
Samuele, ennemi du comte (basse)
Tom, ennemi du comte (basse)
Silvano, marin (baryton-basse)
Un juge (ténor)
Un serviteur d'Amelia (ténor)
Députés, officiers, marins, gardes, peuple, gentilhommes, affidés de Samuel et Tom, serviteurs, masques, couples de danseurs (chœur)




ACT ONE

Scene One

A drawing room in the governor’s mansion
(To the rear, a door leading to the Governor’s
apartments. It is morning. In the foreground, deputies,
gentlemen, townsfolk, officers; with them, Samuel,
Tom and their henchman. All are waiting for Riccardo.)


OFFICERS and GENTLEMEN
Let your noble heart rest, Riccardo,
return to your fond dreams,
you are shielded in this dwelling
by the love of a virgin world.
Let you noble heart rest, etc.

SAMUEL, TOM and THEIR HENCHMEN
There is hate, too, which readies its revenge,
ever mindful of those who died for you.
Your hopes cannot make forgetfulness
blanket their sad graves

SAMUEL and TOM
No, no.

SAMUEL, TOM and THEIR HENCHMEN
Your hopes, etc.
(Oscar enters from Riccardo’s rooms.)

PREMIER ACTE

Première scène

Un salon dans le palais du Gouverneur
(Au fond l’entrée de ses appartements. C’est le matin.
Des députés, des gentilshommes, des gens du peuple,
des officiers, sur le devant Samuel, Tom et leurs
partisans. Tous attendent Riccardo.)


OFFICIERS et GENTILSHOMMES
Tu peux reposer en paix
Et faire de beaux rêves, ô Riccardo.
L’amour d’un monde vierge
Veille sur ta demeure.
Tu peux reposer en paix, etc.

SAMUEL, TOM et LEURS PARTISANS
La haine de ceux qui sont tombés
Par ton œuvre veille pour te punir.
L’oubli n’est pas, comme tu l’espérais,
Descendu sur ces tristes tombeaux.

SAMUEL et TOM
Non, non.

SAMUEL, TOM et LEURS PARTISANS
L’oubli n’est pas, etc.
(Oscar arrive de l’appartement du Comte.)

OSCAR
His Lordship!

RICCARDO (entering and greeting them)
Friends – soldiers –
(then to the deputies, as he receives their petitions)
And you who are equally dear to me! Give them to me;
You may count on me. I must
protect my children, satisfying
every just desire.
Power has no beauty unless it dry
its subjects’ tears and strive
for uncorrupted glory.

OSCAR (to Riccardo)
Please read the list
of invitations to the ball.

RICCARDO
You have not forgotten
any beauty?

OSCAR (handing him the list)
These are the names.

RICCARDO (to himself, as he reads)
Amelia – ah, she again! My soul
forgets all pomp for love of her!
When I see here, pale and radiant,
my soul will be in ecstasy –
and as I listen to her voice,
it will seem to speak of love.
The sweet night comes down,
fair with its starry gems;

OSCAR
Voici le Comte.

RICCARDO (entrant et saluant l’assistance)
Amis – soldats –
(aux députés qui lui donnent des placets)
Et vous que j’aime pareillement ! Donnez :
Comptez sur moi – je dois
Veiller sur mes enfants, pour que soient
Exaucés tous leurs justes souhaits.
Le pouvoir est inique, s’il ne sèche pas
Les larmes des sujets, et ne vise pas
À une gloire sans tache.

OSCAR (à Riccardo)
Voulez-vous voir
Les invitations au bal ?

RICCARDO
Aurais-tu oublié
Quelque beauté ?

OSCAR (lui présentant un papier)
Voici les noms.

RICCARDO (lisant, à part)
Amelia – ah, encore elle ! Mon âme
Ravie à cette pensée oublie toute grandeur !
Je la reverrai dans l’extase,
Rayonnante de blancheur,
Et je l’entendrai
Parler d’amour, parler d’amour !
Oh, douce nuit, tu peux
Tomber, couronnée de joyaux,

Ah, but she is my only star –
a star the heavens cannot boast!

OSCAR, OFFICERS and GENTLEMEN
With generous love,
lost in his thoughts,
he will take our needs
as the object of his ponderings.

SAMUEL, TOM and THEIR HENCHMEN
The time is not yet ripe; everything
here keeps us from action.
It would be better
to leave the enemy’s home.

RICCARDO (to Oscar)
Go with the others; I shall call you.
(All move off. Oscar, the last, meets Renato at the
door.)

OSCAR (to Renato)
The way is open to you at last.

RENATO (to himself)
How sad he seems!

RICCARDO (to himself)
Amelia!

RENATO (bowing)
My lord –

RICCARDO (to himself)
Oh heaven! Her husband!

Mais aucune de tes étoiles
N’égalera la mienne ! Elle est mon étoile !

OSCAR, OFFICIERS et GENTILSHOMMES
Tout entier, absorbé
Dans ses pensées généreuses
Il ne se préoccupe
Que de notre bien.

SAMUEL, TOM et LEURS PARTISANS
L’heure n’est pas venue d’agir,
Ici tout nous en empêche.
Il vaut mieux quitter
Cette demeure ennemie.

RICCARDO (à Oscar)
Va avec eux par là attendre mes ordres.
(Tout le monde s’éloigne. Oscar qui sort le dernier
croise Renato sur le seuil.)

OSCAR (à Renato)
Vous avez le champ libre.

RENATO (à part)
Comme il semble triste !

RICCARDO (à part)
Amelia !

RENATO (s’inclinant)
Comte !

RICCARDO (à part)
Ah, mon Dieu ! Son époux !

RENATO
My lord, you are unhappy, while everywhere your
name is bright with glory.

RICCARDO
For one’s ambition, that is much; for the heart,
nothing. A secret, bitter care oppresses me.

RENATO
And this is –

RICCARDO
Ah, no – more –

RENATO
I shall tell you the reason.

RICCARDO (to himself)
Great God!

RENATO
I know all.

RICCARDO
That is?

RENATO
I know all. Even this mansion
is no sure refuge for you.

RICCARDO
Go on.

RENATO
Vous êtes soucieux, Monseigneur, alors que votre nom
est l’objet de louanges universelles ?

RICCARDO
C’est beaucoup pour la gloire, ce n’est rien pour le
cœur. Une peine secrète et cruelle m’accable.

RENATO
Laquelle ?

RICCARDO
Ah non... il suffit...

RENATO
Je vous en dirai, moi, la raison.

RICCARDO (à part)
Grand Dieu !

RENATO
Je sais tout...

RICCARDO
Quoi ?

RENATO
Je sais tout. Ce palais lui-même n’est plus
pour toi un lieu de sûreté.

RICCARDO
Poursuis.

RENATO
An evil plot is being contrived against you;
your life is threatened.

RICCARDO (joyously)
Ah! You are speaking of that?
You know of nothing else?

RENATO
If you wish to know the names –

RICCARDO
What does it matter? I despise them.

RENATO
To tell you is my duty.

RICCARDO
Say nothing; else I must
soil my hands with blood. It shall not be,
I do not wish it. My people’s love
watches over me, and God protects me.

RENATO
Your life, so rich in joy,
so full of hope,
is joined by Fate to thousands
of other lives!
If you are lost, what of our country,
what of its splendid future?
Can you be
forever safe from wounds,
because your people’s love
is shielding you?

RENATO
Un complot criminel se trame dans l’ombre
et menace tes jours.

RICCARDO (avec joie)
Ah... c’est de cela que tu parles ?
Tu ne sais rien d’autre ?

RENATO
Si tu veux connaître les noms –

RICCARDO
À quoi bon ? Je les méprise.

RENATO
Mon devoir est de les dévoiler.

RICCARDO
Tais-toi : je devrais
Alors me souiller de leur sang. Impossible,
Je ne le veux pas. Que l’amour de mon peuple
Me préserve et que Dieu me protège.

RENATO
À la vie qui te sourit,
Pleine d’espérance et de joie,
Est lié le destin
De milliers d’autres vies.
Si tu meurs, que deviendront la patrie
Et son glorieux avenir ?
Crois-tu que l’amour de ton peuple
Sera un bouclier
Assez fort pour détourner
Les poignards de ton cœur ?

Hate is quicker than love
in striking its victims,
if you are lost, etc.

OSCAR (entering)
The Judge.

RICCARDO
Let him enter.

JUDGE
(offering him papers to sign)
My lord!

RICCARDO
What is this! A woman banished?
Why?
What is her name? What is her offence?

JUDGE
Her name is Ulrica – of dark
Negro blood.

OSCAR
But all the races follow her.
She can foretell the future.

JUDGE
To her filthy cave,
she summons the worst; she is suspected
of every evil counsel. She deserves exile;
pray do not veto my decision.

La haine est plus prompte que l’amour
À frapper ses victimes.
Si tu meurs, etc.

OSCAR (entrant)
Le premier juge.

RICCARDO
Qu’il entre.

LE JUGE
(lui présentant des dépêches à signer)
Comte !

RICCARDO
Que vois-je ? – Le bannissement d’une femme ?
Pourquoi ?
Quel est son nom ? – De quoi est-elle coupable ?

LE JUGE
Elle s’appelle Ulrica – de la race
Immonde des nègres.

OSCAR
Auprès d’elle, on accourt en foule de tous côtés.
Elle est de l’avenir la grande devineresse –

LE JUGE
Qui dans son antre abject
Réunit les pires malfaiteurs ; on la soupçonne,
En outre, de les pousser au crime. Elle mérite l’exil,
Ne vous opposez pas à mes vœux.

RICCARDO (to Oscar)
What have you to say of her?

OSCAR
I wish to defend her.
When she turns
her dusky brow to the stars
how her eyes
flash, like lightning,
as she foretells the course
of their loves
to the belles of the town,
be it happy or sad!
With Lucifer himself
she has a pact!
With Lucifer, etc.

RICCARDO
A charming couple –
what a protector!

OSCAR
Whoever touches
her prophetic gown,
whether he plans to cross the sea
or go off to war,
his future, his fortunes,
be they bitter or sweet,
his doubting heart
will learn from her,
it is with Lucifer himself
she has a pact!
With Lucifer, etc.

RICCARDO (à Oscar)
Qu’en dis-tu ?

OSCAR
Je veux la défendre.
Son front terreux
Tourné vers les étoiles,
Il faut voir étinceler
Son regard
Lorsqu’elle prédit
Aux belles le dénouement
Triste ou heureux
De leur amour !
Et Lucifer
Lui donne toujours raison !
Et Lucifer, etc.

RICCARDO
Quel couple charmant –
Quel protecteur !

OSCAR
Celui qui touche
Sa robe prophétique,
Qu’il doive traverser les mers
Ou partir à la guerre,
Apprendra d’elle,
Le cœur empli de doutes,
Son sort futur
Qu’il soit doux ou amer
Et Lucifer
Lui donne toujours raison !
Et Lucifer, etc.

JUDGE
Let her be condemned.

OSCAR (to Riccardo)
Deign to absolve her.

RICCARDO
Well, summon everyone:
(Renato and Oscar invite the others to return.)
I have something to tell you.
Gentlemen, I invite you today
to Ulrica’s house;
but come disguised.
I shall be there.

RENATO
Really?

RICCARDO
Yes, I must se this sight.

RENATO
It’s not wise.

RICCARDO
I think, rather, it’s a splendid plan,
and promises great sport.

RENATO
Someone there
might recognise you.

LE JUGE
Qu’elle soit condamnée.

OSCAR (au Comte)
Daignez l’épargner.

RICCARDO
Eh bien, appelez tout le monde.
(Renato et Oscar invitent tous ceux qui étaient sortis à
rentrer dans le salon.)
Je vais vois confier mes pensées.
Messieurs : je vous convie aujourd’hui
À la maison d’Ulrica,
J’y serai moi-même mais sous
Un autre costume.

RENATO
Vraiment ? vraiment ?

RICCARDO
Oui, je veux savourer cette scène.

RENATO
L’idée n’est pas prudente.

RICCARDO
Elle est, au contraire, excellente
Et nous promet bien du plaisir.

RENATO
N’importe qui pourrait
T’y reconnaître.

RICCARDO
What fright!

SAMUEL and TOM (sneering)
Come, come, this counsellor of his
trembles at everything.

RICCARDO (to Oscar)
Prepare for me
a fisherman’s costume.

SAMUEL, TOM and THEIR HENCHMEN
Who knows,
perhaps the way to vengeance
will be opened to us there?

RICCARDO
Make sure that our sport is successful,
let all come to the magic house;
let us abandon ourselves to this game,
together with the credulous folk.

RENATO
Yes, hasten, but never forget
the dangers which threaten there,
and protect our magnanimous ruler,
so fearless for himself.

OSCAR
The seeress tells remarkable things,
I must question her myself, to hear
whether the stars smile upon me,
what good fortune may be in store for me.

RICCARDO
Crainte folle !

SAMUEL et TOM (avec un sourire moqueur)
Ma foi, voilà un conseiller
Qui a peur de tout.

RICCARDO (à Oscar)
Et toi, prépare-moi un costume
De pêcheur.

SAMUEL, TOM et LEURS PARTISANS
Qui sait
Si tout cela n’ouvrira pas
Un chemin à la vengeance ?

RICCARDO
Ne nous soucions plus que de notre plaisir,
Et courons tous à la maison magique :
Que chacun, mêlé à la foule crédule
Se laisse aller et s’amuse avec moi.

RENATO
Courons-y donc, mais que nos soupçons surveillent
Les périls qui rôdent alentour.
Mais protégeons ce cœur magnanime
Qui ne connaît pas la crainte.

OSCAR
La sorcière connaît bien des choses,
Et il vaut mieux que je l’interroge aussi ;
J’apprendrai si les étoiles me favorisent,
Quelle bonne fortune va bientôt me sourire.

RICCARDO
Make sure that our pleasure is certain.

RENATO
Yes, but let us be cautious, too.

RICCARDO
Well, then gentlemen, I shall expect you
in disguise, at three o’clock,
in the oracle’s cavern,
at the great seeress’ feet.

ALL
We shall be there promptly,
in disguise, at three o’clock,
in the oracle’s cavern,
at the great seeress’ feet.

RENATO
Yes, hasten, but never forget, etc.

SAMUEL, TOM and THEIR HENCHMEN
Ever watchful, we must be alert,
and not miss when the moment strikes,
perhaps the star which rules his fate
must plunge into the abyss

RICCARDO
Make sure that our sport is successful,
let all come to the fateful house:
For one day we shall laugh and joke,
for such is life at its best.

RICCARDO
Ne nous occupons que de notre plaisir.

RENATO
Allons-y, mais soyons en garde.

RICCARDO
Ainsi, messieurs, je vous attends
Incognito, à trois heures,
Dans l’antre de l’oracle,
Aux pieds de la grande magicienne.

TOUS
Nous serons tous là avec toi,
Incognito, à trois heures,
Dans l’antre de l’oracle,
Aux pieds de la grande magicienne.

RENATO
Allons-y, etc.

SAMUEL, TOM et LEURS PARTISANS
Veillons sans cesse à notre objet,
Sachons saisir l’instant propice,
Peut-être l’astre qui le gouverne
S’éteindra-t-il dans cet abîme.

RICCARDO
Ne nous occupons que de notre plaisir,
Et rendons-nous à la maison fatidique :
Aujourd’hui, il faut rire et s’amuser ;
C’est ce qui fait le sel de notre vie.

ALL
At last a bit of folly brightens
this life which heaven gave us.
At last, etc.

OSCAR
I shall hear whether the stars smile upon me,
what fortune they tell me through her.
I shall hear, etc.

RENATO
But protect our magnanimous ruler
so fearless for himself.

SAMUEL, TOM and THEIR HENCHMEN
Perhaps the star, etc.

RICCARDO
At three, at three,
well, then, gentlemen, I shall expect you
in disguise, at three o’clock,
in the oracle’s cavern,
at the great seeress’ feet.

ALL
At three, at three.
We shall be there promptly,
in disguise, at three o’clock,
in the oracle’s cavern,
at the great seeress’ feet.

TOUS
Qu’un peu de folie enfin ensoleille
Cette vie que le ciel nous a donnée.
Qu’un peu de folie, etc.

OSCAR
Elle me dira si mon étoile m’est propice,
Quels présages me sont faits par sa voix.
Elle me dira, etc.

RENATO
Protégeons ce cœur magnanime
Qui ne connaît pas la crainte.

SAMUEL, TOM et LEURS PARTISANS
Peut-être – l’astre, etc.

RICCARDO
À trois heures, à trois heures.
Ainsi, messieurs, je vous attends,
Incognito, à trois heures,
Dans l’antre de l’oracle,
Aux pieds de la grande magicienne.

TOUS
À trois heures, à trois heures.
Nous serons tous là avec toi,
Incognito, à trois heures,
Dans l’antre de l’oracle,
Aux pieds de la grande magicienne.

Scene Two

The seeress’s cavern
(Left, a fireplace. A fire is burning, the magic cauldron
is smoking on its tripod. On the same side, the door of a
dark recess. Right, a winding staircase, hiding a small,
secret door. To the rear, the main entrance, with a big
window to one side. At midstage, a rough table. To the
rear, men and women from the town. Ulrica is seated
at the table; nearby, a lad and a girl are having their
fortunes told.)


WOMEN and CHILDREN
Silence – the charm must not be broken.
the devil will speak to her soon.

ULRICA
King of the depths, make haste,
hurtle down through the ether,
and, sparing thy thunderbolts,
enter into my house,
three times the owl
has sighed from on high.
Three times the fire-eating
Salamander has hissed,
and three times the moaning
of the grave has spoken to me.
(Riccardo, in fisherman’s dress, comes forward in the
crowd, without finding any of his own men.)

RICCARDO
I am the first to arrive!

TOWNSWOMEN
Ruffian, stay back!

Deuxième scène

La masure de la devineresse
(À gauche, une cheminée, le feu allumé ; la chaudière
magique fume sur un trépied ; du même côté, la porte
d’un recoin obscur. Sur le côté droit, un escalier en
colimaçon qui cache une petite porte dérobée. Au fond,
l’entrée principale avec une fenêtre sur le côté. Au
milieu une table rustique. Au fond, des hommes et des
femmes du peuple. Ulrica, près de la table ; un peu à
l’écart un jeune homme et une jeune fille qui lui
demandent la bonne aventure.)


FEMMES et JEUNES ENFANTS
Silence... ne troublons pas le charme.
Le démon va bientôt lui parler !

ULRICA
Roi de l’abîme, hâte-toi,
Élance-toi à travers l’éther,
Et sans faire appel à ta foudre,
Pénètre sous mon toit.
Trois fois déjà, le hibou
A poussé son cri sinistre ;
La salamandre ignivore
A sifflé trois fois,
Et le gémissement des tombeaux
A résonné trois fois à mes oreilles.
(Riccardo, en costume de pêcheur ; s’avance dans la
foule, sans apercevoir aucun de ses amis.)

RICCARDO
J’arrive le premier.

FEMMES DU PEUPLE
Arrière, malappris.

ALL
Oh, what is this sombre glow about us?

ULRICA
It is he! It is he! Passionately,
I feel again
the tremendous thrill
of his embrace!
The torch of the future
he bears in his left hand.
He has answered my conjury,
and all shines clear before me;
Nothing, no, nothing is hidden now
from my gaze!

ALL
Hurrah for the sorceress!

ULRICA
Silence, silence!
(Silvano enters, breaking through the crowd.)

SILVANO
Make way, make way; I want my fortune told.
A sailor in his Lordship’s service,
I have defied death for him many a time.
Fifteen years I’ve had of this bitter life,
fifteen years that nothing’s been done for me.

ULRICA
And you ask?

SILVANO
What’s in store for me, after the blood
I’ve shed.

TOUS
Ah, quelle sinistre lueur !

ULRICA
C’est lui, c’est lui ! par ces frissons,
Comme je sens maintenant
Brûler à nouveau en moi la volupté
De sa terrible étreinte !
Il tient dans sa main gauche
Le flambeau de l’avenir.
Il a répondu à ma conjuration,
Il a rallumé le feu :
Rien ne pourra plus désormais
Rester caché à mon regard !

TOUS
Vive la magicienne !

ULRICA
Silence, silence !
(Silvano entre, fendant la foule.)

SILVANO
Place, au large, je veux connaître ma destinée.
Je suis au service du Comte ; je suis son matelot :
Plus d’une fois, j’ai bravé la mort pour lui ;
Voici quinze ans que j’endure une pénible existence,
Voici quinze ans que l’on n’a rien fait pour moi.

ULRICA
Et que veux-tu ?

SILVANO
Que me vaudra d’avoir versé
Mon sang ?

RICCARDO (aside)
He speaks like a true soldier.

ULRICA (to Silvano)
Your hand.

SILVANO
Take it.

ULRICA
Be of good cheer;
Soon you will have gold and rank.
(Riccardo takes out a paper and writes on it.)

SILVANO
You are joking?

ULRICA
Be assured.

RICCARDO
(He puts the sheet secretly into Silvano’s pocket.)
She must not speak false.

SILVANO
So fair a prophecy merits a reward.
(Searching his pockets, he takes out the paper and
reads:)
“Riccardo to his beloved Silvano, officer.”
Ye gods! I am not dreaming! Gold and a commission!

RICCARDO (à part)
Il parle en vrai soldat.

ULRICA (à Silvano)
Ta main.

SILVANO
Tenez.

ULRICA
Tu peux te réjouir :
Tu auras bientôt de l’or et un grade.
(Riccardo sort de sa poche un rouleau, sur lequel il
écrit.)

SILVANO
Vous moquez-vous ?

ULRICA
Aie confiance.

RICCARDO
(Il met le rouleau dans la poche de Silvano qui ne s’en
aperçoit pas.)
Il ne faut pas qu’elle mente.

SILVANO
Cette belle prophétie mérite récompense.
(En fouillant dans sa poche, il trouve le rouleau sur
lequel il lit, enchanté :)
« Riccardo à son cher Silvano, officier. »
Sacrebleu ! Je ne rêve pas ! De l’or et un grade !

CHORUS
Hurrah for our Immortal Sibyl,
who brings riches and pleasures to all!
(A knock is heard at the secret door.)

ALL
Someone’s knocking!

RICCARDO (to himself)
What’s this! At the secret door –
one of Amelia’s servants!
SERVANT
(whispering to Ulrica; Riccardo overhears what he
says.)
Listen: my mistress,
who is waiting outside, wishes to
ask your advice in secret.

RICCARDO (to himself)
Amelia!

ULRICA
Let her come; I’ll send the others away.
(The servant leaves.)

RICCARDO (to himself)
But not me.
(He hides in the smaller room.)

ULRICA (turns to the others.)
Before I can answer you,
I first must join with Satan;
Go, let me gaze into the face of Truth.

LE CHŒUR
Vive notre immortelle sybille
Qui comble tout le monde de richesses et de joie !
(On entend frapper à la porte dérobée.)

TOUS
On trappe !

RICCARDO (à part)
Que vois-je, par la porte secrète,
Un serviteur d’Amelia !
LE SERVITEUR
(bas à Ulrica, mais entendu de Riccardo)
Écoutez, ma maîtresse
Qui attend là dehors, voudrait vous
Consulter en secret.

RICCARDO (à part)
Amelia !

ULRICA
Qu’elle entre, j’éloigne tout le monde.
(Le serviteur sort.)

RICCARDO (à part)
Sauf moi !
(Il se cache dans le cabinet.)

ULRICA (se tournant vers l’assistance)
Afin de pouvoir vous répondre
Il faut d’abord que je m’abouche avec Satan ;
Sortez : laissez-moi scruter la vérité.

ALL
Let us go, that she may gaze into the face of Truth.
(As the others go out, Riccardo hides. Amelia enters.)

ULRICA
What stirs you so?

AMELIA
A bitter, secret care,
which love has awakened –

RICCARDO (himself)
What is this!

ULRICA
And what do you seek?

AMELIA
Peace – to uproot from my breast,
so fatally ruled be the power I love,
that man – whom heaven made the ruler of all.

RICCARDO (to himself, joyously)
What do I hear! My beloved!

ULRICA
Forgetfulness is granted you.
I know a secret potion, brewed from a magic herb,
which renews the heart. But whoever needs it,
must prick the herb himself
at midnight. The place is ghostly.

AMELIA
Where is it?

TOUS
Sortons : laissons-la scruter la vérité.
(Pendant que tous s’éloignent, Riccardo se cache.
Amelia entre.)

ULRICA
Qu’est-ce qui vous trouble ainsi ?

AMELIA
Une peine
Secrète, cruelle, que m’inflige l’amour –

RICCARDO (à part)
Que dit-elle ?

ULRICA
Et que cherchez-vous ?

AMELIA
La paix – arracher de mon cœur
Où il règne, fatal et adoré,
Celui – que le ciel à tous nous a donné comme maître.

RICCARDO (à part, bouleversé de joie)
Qu’entends-je ! Mon amour !

ULRICA
Vous pouvez obtenir l’oubli. Je connais une liqueur
secrète, faite d’une herbe magique, qui transforme les
cœurs. Mais celui qui en a besoin doit aller la cueillir
de sa main, au cœur de la nuit, et dans un lieu
funèbre.

AMELIA
Où cela ?

ULRICA
Do you dare?

AMELIA (with decision)
Yes, wherever it may be.

ULRICA
Then listen to me:
To the west of town,
there where the pale moon
shines on the darker side
of that hideous field,
go pick the herb which grows
at the foot of the stones of infamy
where crime is expiated
in the last sigh!

AMELIA
O God! What a place!

ULRICA
You are stupefied, trembling, already!

RICCARDO (to himself)
Poor love!

ULRICA
Your heart fails you?

AMELIA
I am frozen with terror.

ULRICA
But would you dare?

ULRICA
Oserez-vous y aller ?

AMELIA (résolue)
Oui – où que ce soit.

ULRICA
Alors, écoutez :
À l’ouest de la ville,
La où la lune blême
Éclaire le recoin le plus sombre
De ce champ monstrueux...
Va cueillir l’herbe qui pousse
Au pied des pierres infâmes,
Où le crime est expié
Par le dernier soupir !

AMELIA
Mon Dieu ! En ce lieu !

ULRICA
Épouvantée, vous tremblez déjà ?

RICCARDO (à part)
Pauvre ange !

ULRICA
Vous défaillez ?

AMELIA
Je suis glacée d’épouvante –

ULRICA
Mais oserez-vous ?

AMELIA
If such be my duty,
even I shall find strength.

ULRICA
Tonight?

AMELIA
Yes.

RICCARDO (to himself)
But not alone:
For I will follow you.

AMELIA
Grant me, O Lord,
strength to purify my heart,
to quiet the fiery tumult
within my breast.

ULRICA
Go, without fear, for the charm
will dry your tears.
Only dare – and you shall drink
forgetfulness of sorrow.

RICCARDO
I burn with love, I am resolved
to follow her even to hell,
if only, beloved Amelia,
I can breathe your sighs.
VOICES (from outside)
Daughter of hell, open the door,
delay no longer in coming to us.

AMELIA
Si tel est mon devoir
J’en trouverai la force.

ULRICA
Cette nuit ?

AMELIA
Oui.

RICCARDO (à part)
Tu ne seras pas seule,
Car je t’y suivrai.

AMELIA
Accorde-moi, Seigneur,
La vertu qui purifiera mon cœur,
Et que cet ardent frisson
S’apaise, en mon sein.

ULRICA
Va, ne crains rien, ce charme
Saura sécher tes larmes.
Ose – et tu boiras avec cet élixir
L’oubli de tes souffrances.

RICCARDO
Je brûle d’amour, et je suis décidé
À la suivre jusque dans l’enfer même,
Puisque je pourrai ainsi respirer, Amelia,
Le souffle de tes soupirs.

DES VOIX (au fond)
Fille de l’enfer, ouvre la porte,
Nous voulons te voir sans plus tarder.

ULRICA (to Amelia)
Quick – go now.

AMELIA
Tonight.
(She leaves by the secret door.)

RICCARDO (to himself)
But not alone:
For I will follow you!

ULRICA
Farewell.
(Ulrica opens the main door, Samuel, Tom and their
group enter
, followed by Oscar, gentlemen and officers
in bizarre disguises. Riccardo joins them.)


CHORUS
Come, seeress, mount your tripod,
chant your prophecy, mount your tripod.

OSCAR
Where is his lordship.

RICCARDO (who has come up to him)
Be silent, do not let them know I am here.
(then turning suddenly to Ulrica)
Now, Sibyl, you who know all
shall speak to me of my stars.

CHORUS
Tell him the future, tell him the future!

ULRICA (à Amelia)
Vite, partez.

AMELIA
Cette nuit.
(Elle s’enfuit par la porte dérobée.)

RICCARDO (à part)
Tu ne seras pas seule,
Car je t’y suivrai !

ULRICA
Adieu.
(Ulrica ouvre l’entrée principale. Entrent Samuel, Tom
et leurs partisans, Oscar ; des gentilshommes et des
officiers, bizarrement déguisés, auxquels va se joindre
Riccardo.)

LE CHŒUR
Allons, prophétesse, monte sur ton trépied ;
Chante le futur, monte sur ton trépied.

OSCAR
Mais où est le Comte ?

RICCARDO (s’approchant de lui)
Tais-toi, cache-lui qui je suis.
(puis, se tournant rapidement vers Ulrica)
Allons, sibylle, toi qui sais tout,
Pare-moi donc de mon étoile.

LE CHŒUR
Chante le futur, chante le futur !

RICCARDO
Tell me whether the sea
awaits me, faithful,
whether my beloved,
her face wet with tears,
betrayed my love
after she said goodbye,
with tattered sails,
my soul tempest-tossed,
I still cut my way
through the furious sea,
defying the rage
of heaven and hell,
seeress, explore with care
what the future will bring,
neither thunder
nor the rage of the winds,
not death nor love
can keep me from the sea.

CHORUS
Neither thunder
nor the rage of winds,
not death nor love
can keep him from the sea.

RICCARDO
On the swift ship
within whose womb I am tossed,
when I awaken
in the howling storm,
between the thunder crashes
I sing sweet songs,
I sing sweet songs
of my native land,

RICCARDO
Dis-moi si la mer
M’attend, fidèle,
Si ma bien-aimée,
Les yeux noyés de larmes,
A trahi mon amour,
En me disant adieu.
Les voiles en lambeaux,
Lame en pleine tourmente,
Je fendrai les sillons
De la mer déchaînée,
Je défierai les foudres
De l’enfer et du ciel.
Divine sibylle
Explore le futur,
Ni le tonnerre, ni la rage
Des vents, ni la mort,
Ni l’amour, ne pourront
M’éloigner de la mer.

LE CHŒUR
Ni le tonnerre, ni la rage
Des vents, ni la mort,
Ni l’amour, ne pourront
L’éloigner de la mer.

RICCARDO
Sur le vaisseau agile
Qui me ballotte en son flanc,
Si je m’éveille, secoué
Par les sifflements de l’orage,
Je chante, parmi les coups de tonnerre,
Les douces chansons.
Les douces chansons
Du toit natal,

which speak of the kisses
of our last farewell,
and my songs rekindle
the fire in my heart.
Come, then, chant again
your mystic prophecy,
tell us what destiny brings,
no matter what it be,
terror cannot
enter our hearts.

CHORUS
Terror cannot
enter our hearts.

ULRICA
Whoever you are, your mad words
can change to sobs one day,
for he who violates the hidden realm
must wash away his crime with tears,
and he who insolently challenges his fate
must pay for his sin in his fate itself.

RICCARDO
Come, my friends.

SAMUEL
Who will go first?

OSCAR
I shall.

RICCARDO (showing his palm to Ulrica)
Please yield me this honour.

Qui parlent des baisers
Du dernier adieu,
Et toutes les forces de mon cœur
S’en trouvent ravivées.
Donc, va, rechante-moi
Ta prophétie,
Dis ce que me réserve
Le sort, bon ou mauvais.
Dans nos âmes
La crainte ne peut entrer.

LE CHŒUR
Dans nos âmes,
La crainte ne peut entrer.

ULRICA
Qui que vous soyez, vous pourrez un jour
Regretter dans les larmes cette parole insolente,
Car celui qui fait violence au séjour secret
Doit expier dans la douleur cette violence,
Car l’insolent qui défie sa destinée
Doit laver cet outrage dans sa destinée même.

RICCARDO
Eh bien, mes amis.

SAMUEL
Qui sera le premier ?

OSCAR
Moi.

RICCARDO (présentant sa main à Ulrica)
Cède-moi cet honneur.

OSCAR
So be it.

ULRICA (gravely, examining his hand)
It is the hand of a great man,
living under the sign of Mars.

OSCAR
She has hit the truth.

RICCARDO
Silence!

ULRICA
Wretched man –
Go – leave me – ask no more!

RICCARDO
Come, now, go on.

ULRICA
No – leave me.

RICCARDO
Speak.

ULRICA
I beg you.

CHORUS (to Ulrica)
Finish it now!

RICCARDO
I insist.

OSCAR
Soit.

ULRICA (examinant gravement la main)
C’est la main d’un grand seigneur, qui a vécu
Sous les auspices de Mars.

OSCAR
Elle a deviné la vérité.

RICCARDO
Taisez-vous.

ULRICA
Malheureux...
Va – laisse-moi – n’en demande pas davantage !

RICCARDO
Allons, continue.

ULRICA
Non – laisse-moi.

RICCARDO
Parle.

ULRICA
Je t’en prie.

LE CHŒUR (à Ulrica)
Voyons, achève donc !

RICCARDO
Je te l’ordonne.

ULRICA
Very well, then; soon you will die.

RICCARDO
If on the field of honour, then I am glad.

ULRICA
No – by the hand of a friend.

OSCAR
Great God!

CHORUS
What horror!

ULRICA
So it is written above.

RICCARDO (looking about him)
A joke or madness
is such a prophecy.
How their credulity
amuses me!
A joke or madness, etc.

ULRICA (passing before Samuel and Tom)
Ah, gentlemen, hearing
these sad words of mine,
you dare not laugh:
What things are in your hearts?

SAMUEL and TOM
Her words are like arrows,
her glances like lightning;

ULRICA
Eh bien, tu mourras bientôt.

RICCARDO
Si c’est au champ d’honneur, je t’en sais gré.

ULRICA
Non – par la main d’un ami.

OSCAR
Grand Dieu !

LE CHŒUR
Quelle horreur !

ULRICA
La chose est écrite là-haut.

RICCARDO (regardant autour de lui)
Plaisanterie ou folie
Que cette prophétie.
Mais, que je m’amuse
De leur crédulité !
Plaisanterie etc.

ULRICA (passant devant Samuel et Tom)
Mais vous, messieurs, en entendant
Mes paroles funestes,
Vous n’osez pas en rire ;
Qu’avez-vous donc dans le cœur ?

SAMUEL et TOM
Sa parole est un poignard,
Son regard est un éclair ;

through the devil, her confidant,
this woman knows all.

OSCAR and CHORUS
What, then, is his fate?
Shall he die by an assassin’s hand?
The mere thought
makes one’s heart shudder.

RICCARDO
Complete the prophecy.
Tell me, who will the killer be?

ULRICA
The first to touch your hand today.

RICCARDO
Splendid.
(He holds out his hand to each of his companions in
turn; none dares touch it.)
Which one of you will prove the oracle false?
No one!
(Renato appears at the door. Riccardo goes forward
and shakes his hand)
Here he is.

ALL
It is he!

SAMUEL and TOM (aside)
I breathe again; fortune has saved us.

ALL
The oracle has lied.

Cette confidente du démon
Connaît tous nos secrets.

OSCAR et LE CHŒUR
Ah, est-ce donc sa destinée
De tomber assassiné ?
À cette seule pensée, mon âme
Se glace d’effroi.

RICCARDO
Achève ta prophétie.
Dis qui sera l’assassin ?

ULRICA
Le premier qui aujourd’hui te serrera la main.

RICCARDO
Fort bien.
(Il tend la main à tous ceux qui l’entourent, mais
personne n’ose la prendre.)
Lequel d’entre vous fera mentir l’oracle ?
Personne !
(Renato paraît à l’entrée. Riccardo court à lui et lui
serre la main.)
Le voici.

TOUS
C’est lui !

SAMUEL et TOM (à part)
Je respire : le hasard nous a sauvés.

TOUS
Ton oracle a menti.

RICCARDO
Yes, because the hand in mine
is that of my most trusted friend.

RENATO
Riccardo!

ULRICA (recognising him)
The Count!

RICCARDO (to her)
Your genie
did not tell you who I am – nor that today
you were to be banished.

ULRICA
I?

RICCARDO (throwing her a purse)
Silence; take this.

ULRICA
You are magnanimous, but among them
there is a traitor. Perhaps more than one.

SAMUEL and TOM (aside)
Great God!

RICCARDO
Say no more.

CHORUS (from far off)
Long live Riccardo!

RICCARDO
Oui, car la main que je serre
Est celle de mon plus sûr ami !

RENATO
Riccardo !

ULRICA (reconnaissant le Comte)
Le Comte !

RICCARDO (à Ulrica)
Voyons, ton génie ne t’a-t-il pas révélé
Qui j’étais, ni que l’on voulait aujourd’hui
Te condamner à l’exil ?

ULRICA
Moi ?

RICCARDO (lui jetant une bourse)
Calme-toi et prends.

ULRICA
Tu es magnanime, mais il y a parmi eux
Un traître : et même peut-être plus d’un –

SAMUEL et TOM (à part)
Grand Dieu !

RICCARDO
Assez.

LE CHŒUR (au loin)
Vive Riccardo !

All
What voices are these?

SILVANO
(from the rear, to his men. Sailors and townsfolk crowd
about the door)
Move quickly, if it is he,
our friend and father.
All of you, bow down with me,
and sing the hymn of our faith.

CHORUS
O son of England,
beloved of this land,
rule in happiness, for health
and glory smile upon you.

OSCAR
The proudest laurel,
more precious than treasure,
shall be entwined upon your brow
by gratitude and faith.

RICCARDO
Can I nurse suspicion
within my breast,
when a thousand hearts exult
in dying for me?

RENATO
Evil fortune forever hovers
even over the greatest triumph,
in which a hypercritical Fate
conceals an evil end.

TOUS
Quelles sont ces voix ?

SILVANO
(du seuil, tourné vers ses amis. Des marins, des hommes
et femmes du peuple se pressent à l’entrée.)
C’est lui, venez vite, c’est lui :
Notre ami et notre père.
Avec moi prosternez-vous tous à ses pieds
Et chantons l’hymne de notre foi.

LE CHŒUR
Ô fils de l’Angleterre,
Adoré par ce pays :
Règne heureux, que la gloire
Et la santé te sourient.

OSCAR
La reconnaissance et la foi
Ont tressé sur ta tête
Ce superbe laurier
Qui vaut tous les trésors.

RICCARDO
Comment nourrir en mon sein
Le moindre soupçon
Alors que des milliers de cœurs
Sont prêts à s’immoler pour moi.

RENATO
Mais le malheur est une chose
Qui se cache sous les triomphes,
Dans lesquels le sort hypocrite
Dissimule un sinistre but.

SAMUEL, TOM and THEIR HENCHMEN (to themselves)
The course of our vengeance is blocked
by the servile multitude
who flatter the public idol
without ever knowing why, etc.

ULRICA
He does not believe his fate,
yet he shall die of his wounds;
he laughed at my prophecy.
But he has a foot in the grave, etc.

OSCAR
The proudest laurel, etc.

RICCARDO
Can I nurse suspicion, etc.

SAMUEL, TOM et LEURS PARTISANS (à part)
Cette servile race
Ferme la route à nos épées ;
Elle fête son idole
Sans même savoir pourquoi, etc.

ULRICA
Il ne croit pas à mon présage,
Mais il mourra pourtant assassiné ;
Ma prophétie le fait sourire
Mais il a déjà un pied dans la tombe, etc.

OSCAR
La reconnaissance et la foi, etc.

RICCARDO
Comment nourrir en mon sein, etc.

ACT TWO

A deserted field near Boston, at the foot of a rocky hill
(To the left, two columns shine white in the pale
moonlight. Amelia appears on the hillside. She kneels
to pray, then rises to her feet and slowly descends.)


Prelude


AMELIA
Here is the horrid field where crime
and death are joined together!
There, the columns –

DEUXIÈME ACTE

Un champ solitaire aux environs de Boston au pied
d’une colline escarpée

(À gauche, vers le bas, se détachent deux piliers en
pierre. Amelia apparaît sur la hauteur. Elle s’agenouille
et prie, puis elle se relève et peu à peu elle descend de
la colline.)


Prélude


AMELIA
Voici l’horrible champ, où la mort
S’accouple au crime !
Voici les deux piliers –

there the plants, green their base.
I shall go on.
Ah, my heart is chilled!
Everything, even the sound of my own step,
fills me with terror!
And if I should die?
To die! If such should be my fate,
my duty, then let it some. So be it.
(She moves on.)
When I have plucked the herb,
with my own hand, from its arid stem,
when from my troubled mind
that dear image will have been effaced,
what is left, once love is dead?
Oh! Who is weeping, what power,
what power holds me back,
barring my way on this fearful road?
courage now – o poor heart, be of stone,
do not betray me, nor yield to tears,
of cease to beat, and die,
crumble to nothingness!
(A bell strikes midnight.)
Midnight! Ah, what do I see?
A head rises up from beneath the earth – and sigh!
In its eyes, anger flashes,
and it stares at me – silent, terrible.
(She falls to her knees.)
Ah, help me, give me strength, o Lord,
mercy on a suffering heart!

RICCARDO
I am with you.

La plante est là, elle pousse à leur pied.
Avançons.
Ah mon cœur se glace !
Jusqu’au bruit de mes pas, tout ici
Me fait frissonner de terreur !
Et si je devais mourir ?
Mourir ! Eh bien, si le devoir l’exige,
Que mon sort s’accomplisse.
(Elle fait quelques pas.)
Mais, lorsque ma main aura arraché
Cette plante à son aride tige,
Et que dans mon esprit bouleversé,
L’image adorée sera morte,
Que te restera-t-il, si tu perds cet amour –
Que te restera-t-il, mon pauvre cœur ?
Oh, qui pleure, quelle force vient se mettre
En travers de ce chemin sinistre ?
Allons, courage – et toi, fais-toi de pierre,
Ne me trahis pas, cesse de pleurer,
Oh, cesse de battre et meurs,
Éteins-toi, mon pauvre cœur !
(Minuit sonne.)
Minuit ! – Ah, que vois-je ?
Une tête sort de sous la terre – et soupire !
L’éclair de la colère brille dans ses yeux
Et elle me fixe de son regard terrible !
(Elle tombe à genoux.)
Hélas, guide-moi, secours-moi, Seigneur,
Aie pitié d’un pauvre cœur !

RICCARDO (apparaissant brusquement)
Je suis avec toi.

AMELIA
Great God!

RICCARDO
Be calm!

AMELIA
Ah!

RICCARDO
What do you fear?

AMELIA
Ah, leave me –
I am a victim, sobbing before you –
Save at least my name –
Or shame and suffering
will kill me.

RICCARDO
I leave you? No never;
I cannot, because within my breast
an eternal love burns for you.

AMELIA
My lord, take pity on me.

RICCARDO
You speak so to one who adores you?
You ask pity? You are still trembling?
Your name shall never be sullied,
nor honour.

AMELIA
Grand Dieu !

RICCARDO
Calme-toi !

AMELIA
Ah !

RICCARDO
Que crains-tu ?

AMELIA
Ah, laissez-moi –
Je suis une victime qui gémit –
Épargnez au moins mon nom –
Ou la douleur et la honte
Mettront fin à ma vie.

RICCARDO
Que je te laisse ? Non, jamais :
Je ne le puis, car un amour éternel
Brûle pour toi dans mon cœur.

AMELIA
Comte, ayez pitié de moi.

RICCARDO
C’est ainsi que tu parles à celui qui t’adore ?
Tu implores sa pitié et tu trembles ?
Tu pourras toujours être fière
De ton nom sans tache.

AMELIA
But Riccardo, I am another’s –
I belong to your dearest friend –

RICCARDO
Do not say it, Amelia.

AMELIA
I belong to him
who would give his life for you.

RICCARDO
Ah, cruel woman, and you remind me,
you repeat it to me now!
Do you not see that if remorse
corrodes and cuts my soul,
I cannot hear, nor heed its cry,
so long as my soul is full of love?
You do not know what would be left of you
if your heart should cease to beat!
How many sleepless nights, I have longed for you?
How long I have struggled in my anguish!
how many times have I prayed to heaven
for that pity which now you ask from me!
But in spite of all this, have I ever known
a moment’s peace without you?

AMELIA
Ah, heaven, comfort the anguish
of one who lies between disgrace and death:
Merciful God, shine Thy light on the gate
of salvation, guide my erring step.
(then to Riccardo)
Go, now – let me not hear you, leave me.
I belong to him who gave his blood for you.

AMELIA
Mais, Riccardo, j’appartiens à un autre –
À l’ami le plus fidèle –

RICCARDO
Tais-toi, Amelia.

AMELIA
Je suis à lui,
Lui qui donnerait sa vie pour toi.

RICCARDO
Ah, cruelle, tu me le rappelles,
Tu me le redis en cet instant.
Ne sais-tu pas que si le remords
Ronge et lacère mon âme,
Elle ne prend pas garde à son cri, elle ne l’écoute pas,
Tant que l’amour l’emplit de frissons ?
Ne sais-tu pas que mon cœur resterait tien,
Même s’il cessait de battre !
Que de nuits j’ai veillé, plein de désir !
Combien j’ai lutté, malheureux que je suis !
Combien de fois j’ai imploré du ciel
La pitié que tu me demandes maintenant !
Mais crois-tu que le malheureux que je suis
Ait pu vivre un seul instant sans penser à toi ?

AMELIA
Hélas, que le ciel vienne en aide à une infortunée
Qui lutte entre infamie et la mort.
Que le ciel miséricordieux ouvre les portes
Du salut à mes pas hésitants.
(à Riccardo)
Et toi, va-t’en – que je ne t’entende plus, laisse-moi.
Je suis à celui qui a versé son sang pour toi.

RICCARDO
My life, the world,
for one word –

AMELIA
Merciful heaven!

RICCARDO
Tell me you love me –

AMELIA
Riccardo, go!

RICCARDO
One word –

AMELIA
Yes, I love you –

RICCARDO
You love me, Amelia!

AMELIA
But you, in your nobility,
protect me from my heart!

RICCARDO (exultant)
You love me, you love me!
Oh, let remorse, friendship, be destroyed
within my breast: let all be dead,
all except my love!
Oh, how sweet the thrill
which fills my heart!
ah, let me hear you

RICCARDO
Ma vie, tout l’univers,
Pour un seul mot.

AMELIA
Ciel miséricordieux !

RICCARDO
Dis-moi que tu m’aimes.

AMELIA
Va-t’en, Riccardo.

RICCARDO
Un seul mot.

AMELIA
Eh bien, oui, je t’aime.

RICCARDO
Tu m’aimes, Amelia ?

AMELIA
Mais toi, noble cœur,
Protège-moi contre moi-même !

RICCARDO (fou de bonheur)
Tu m’aimes, tu m’aimes ! ah, que de mon cœur
Disparaissent le remords,
L’amitié, que tout s’éteigne,
Tout excepté l’amour !
Ah, quel frisson enivrant
Parcourt mon cœur enflammé !
Ah, que je t’entende encore

speak those words again!
star of this darkness,
to whom, I dedicate my heart,
shine your lovelight on me,
then day need never come again!

AMELIA
Ah, on this melancholy bed,
where I yearned to quench it,
this love returns, more overpowering,
this love which wounded me!
Why is it not granted me
to pour out my soul to him?
Or, if not, at least to sleep
forever here, in death.

RICCARDO
Amelia! You love me, Amelia?
You love me?

AMELIA
Yes, I love you. But you, in your nobility,
protect me from my heart.

RICCARDO
Shine your lovelight on me.
You love me, Amelia?

AMELIA
On this melancholy bed, etc.

RICCARDO
Oh, how sweet the thrill, etc.

Me répondre ainsi !
Astre de ces ténèbres,
Auquel je consacre mon cœur,
Enivre-moi d’amour,
Et que le jour ne luise plus !

AMELIA
Hélas, en ce lit funèbre,
Où j’espérais l’éteindre,
L’amour qui m’a blessée
S’empare de mon cœur, plus fort que jamais !
Pourquoi m’est-il interdit
D’épancher mon âme dans son sein ?
Ou de m’endormir ici-même
Du sommeil de la mort ?

RICCARDO
Amelia ! tu m’aimes, Amelia ?
Tu m’aimes ?

AMELIA
Oui, je t’aime. Mais toi, noble cœur,
Protège-moi contre moi-même.

RICCARDO
Enivre-moi d’amour
Tu m’aimes, Amelia ?

AMELIA
Hélas, en ce lit funèbre etc.

RICCARDO
Ah quel frisson enivrant, etc.

AMELIA
Alas! Someone is coming.

RICCARDO
Who comes to this
Place of death?...Ah, I am not mistaken!
(Renato comes into view.)
Renato!

AMELIA (lowering her veil in fright)
My husband!

RICCARDO (going towards him)
You, here!

RENATO
To save you from those who,
in hiding above, would ambush you.

RICCARDO
Who are they?

RENATO
Conspirators.

AMELIA (to herself)
Oh heaven!

RENATO
I ran past, wrapped in my cloak;
they took me for one of themselves.
I heard someone call out, “I’ve seen him;
It’s Riccardo, with an unknown beauty.”
AMELIA
Mon Dieu, quelqu’un s’approche.

RICCARDO
Qui vient en ce lieu
Séjour de la mort ?... Ah, je ne me trompe pas !
(On voit Renato.)
Renato !

AMELIA (rebaissant son voile, terrifiée)
Mon époux !

RICCARDO (allant à sa rencontre)
Toi ici !

RENATO
Pour te sauver de ceux qui, cachés,
Te surveillent de là-haut.

RICCARDO
Qui sont-ils ?

RENATO
Des conjurés.

AMELIA (à part)
Ah, ciel !

RENATO
J’ai traversé leur groupe, enveloppé dans mon manteau,
De sorte qu’ils m’ont pris pour un de leurs complices,
Et j’en ai entendu un dire : « Je l’ai vu :
C’est le Comte : une beauté inconnue est avec lui. »

Then another said, “A brief conquest!
since he dies, if my swift hand
succeeds in ending his tender embrace.”

AMELIA (to herself)
I am dying!

RICCARDO (to her)
Take heart.

RENATO (covering him with his cloak)
Here, take this.
(then, pointing out narrow path)
Take care, the way to safety is over there.

RICCARDO (taking Amelia’s hand)
I must save you.

AMELIA (sottovoce, to Riccardo)
Wretched me! Go –

RENATO (approaching Amelia)
But you would only expose him, madame,
to their pitiless daggers!
(He goes to see if the enemy is coming.)

AMELIA (to Riccardo)
Please, escape alone!

RICCARDO
And leave you here?

AMELIA
The road is still open to you – flee –

Alors un autre a répondu : « Conquête éphémère !
Puisqu’il va mourir ; si ma main rapide
Parvient à mettre fin à ses tendres étreintes. »

AMELIA (à part)
Je meurs !

RICCARDO (à Amelia)
Ne crains rien.

RENATO (le recouvrant de son manteau)
Prends donc ceci.
(lui montrant un petit chemin)
Regarde, le champ est libre de ce côté.

RICCARDO (prenant la main d’Amelia)
Il faut que je te sauve !

AMELIA (sottovoce, à Riccardo) Malheureuse que je
suis ! Va-t’en !

RENATO (s’approchant d’Amelia)
Vous ne voulez sûrement pas, Madame, l’exposer
À leurs épées impitoyables !
(Il va dans le fond regarder si les autres s’avancent.)

AMELIA (à Riccardo)
Va, fuis seul !

RICCARDO
Que je t’abondonne ici ?

AMELIA
La route est encore libre, va, fuis.

RICCARDO
And leave you alone,
here, with him? No, never! I would sooner die.

AMELIA
Either you escape or I will remove my veil.

RICCARDO
What are you saying?

AMELIA
Decide.

RICCARDO
Desist.

AMELIA
You must.
(to herself)
If it be granted me to save him,
I shall never fear my cruel fate again.

RICCARDO (gravely, to Renato)
My friend, I entrust you with a delicate mission:
Let the love you bear me be your warrant.

RENATO
Trust me, ask what you will.

RICCARDO (indicating Amelia)
Promise me, swear
that you will take her veiled, to the town,
without speaking to her, or looking at her.

RICCARDO
Te laissant seule ici
Avec lui ? Non, jamais ! Plutôt mourir.

AMELIA
Ah, fuis, ou bien je retire mon voile.

RICCARDO
Que dis-tu ?

AMELIA
Choisis.

RICCARDO
Cède.

AMELIA
Je le veux.
(à part)
Si je parviens à le sauver, mon âme
Ne craint plus son sort cruel.

RICCARDO (à Renato, d’un ton solennel)
Ami, je te confie une mission délicate :
L’amour que tu me portes m’en sera garant.

RENATO
Fais-moi confiance, que veux-tu ?

RICCARDO (indiquant Amelia)
Promets-moi, jure
Que tu la reconduiras, voilée, jusqu’à la ville,
Et que tu n’auras pour elle ni un mot, ni un regard.

RENATO
I swear.

RICCARDO
And that once at the gates, you will go
alone in the opposite direction.

RENATO
I swear it.

AMELIA (softly, to Riccardo)
Do you hear the sombre tones
of death sounding in the night?
From up there, among the black rocks,
the enemy’s signal has been given.
Wrath is burning in their breasts,
they are coming down, encircling you,
their fury is directed full upon you –
for mercy’s sake, go, fly from here.
Go, flee, go!

RENATO (coming beck from his inspection)
Flee, flee; down over the horrid trail,
I hear their pitiless step advancing.
And each of the impious ruffians
brandishes a dagger in his hand.
Go, save yourself, or the pass
will soon be closed;
go save yourself: the life you would throw away
is the life of the people.
Go, flee, go!

RICCARDO (to himself)
Traitors, conspirators, these men
who threaten my life?

RENATO
Je le jure.

RICCARDO
Et qu’en atteignant les portes, tu t’en iras
Seul, du côté opposé.

RENATO
Je te le jure, ce sera fait.

AMELIA (bas à Riccardo)
Entends-tu retentir dans la nuit
Ces sinistres accents de mort ?
De là-haut, de ces noirs rochers,
Tes ennemis ont donné le signal.
Dans leurs cœurs brûle la colère –
Les voilà qui descendent, qui t’entourent –
Sur ta tête s’amoncelle leur haine –
Par pitié, va, enfuis-toi d’ici.
Va, fuis, va !

RENATO (arrivant du fond où il surveillait)
Fuis, fuis : sur cette horrible route
J’entends le bruit de leurs pas impitoyables.
Ayant échangé des paroles criminelles,
Chacun brandit un poignard de sa main droite.
Va, sauve-toi tant que la route est libre
Car elle ne l’est plus pour longtemps ;
Va, sauve-toi, cette vie que tu hasardes ainsi
Est la vie de ton peuple.
Va, fuis, va !

RICCARDO (à part)
Ce sont donc des traîtres, des conjurés,
Qui menacent mes jours ?

Ah, I too am a traitor to my friend –
it is I who have wounded his heart.
Were I innocent, I should challenge them.
Now, guilty of love, I must flee.
May the mercy of the Lord be upon her,
protecting her life!

AMELIA
Do you hear, etc.

RENATO
Flee, flee, etc.

RICCARDO
Traitors, etc.
(Riccardo goes out.)


RENATO
Follow me.

AMELIA (to herself)
O God!

RENATO
Why do you tremble?
You can trust in me. Let a friend’s voice
encourage you!
(Samuel, Tom and their men enter from above.)

AMELIA
Here they come.

RENATO
Quick! Lean against me.

Ah, moi aussi, j’ai trahi mon ami –
C’est moi qui lui ai percé le cœur !
Innocent, je les aurais défiés :
Maintenant, coupable par amour, – je fuis.
Que le Seigneur étende sur elle
Sa pitié et protège ses jours !

AMELIA
Entends-tu retentir, etc.

RENATO
Fuis, fuis etc.

RICCARDO
Ce sont donc des traîtres, etc.
(Riccardo sort.)

RENATO
Suivez-moi.

AMELIA (à part)
Mon Dieu !

RENATO
Pourquoi tremblez-vous ?
Je suis votre fidèle escorte ; que la voix d’un ami
Ranime votre cœur !
(Samuel et Tom apparaissent sur la hauteur avec leurs
partisans.)

AMELIA
Les voici.

RENATO
Vite, Appuyez-vous sur moi.

AMELIA
I am dying.

CHORUS (in the distance, gradually coming nearer)
Let us fall upon him,
the hour at last has struck.
The rising sun
will find his corpse.

SAMUEL (to Tom)
Do you see his goddess
there all veiled in white?

TOM
Let us plunge him from heaven
into hell.

RENATO (shouting)
Who goes there?

SAMUEL
That’s no he.

TOM
Oh, fury!

CHORUS
It is not his lordship.

RENATO
No, it is I
who stand before you.

TOM
His trusted friend!

AMELIA
Je me sens mourir.

LE CHŒUR (au loin, s’avançant lentement)
Avançons-nous sur lui,
Sa dernière heure a sonné,
Les rayons de l’aurore
Salueront son cadavre.

SAMUEL (à Tom)
Vois-tu ce voile blanc
Qui cache sa déesse ?

TOM
Précipitons-le du paradis
En enfer.

RENATO (tout haut)
Qui va là ?

SAMUEL
Ce n’est pas lui !

TOM
J’enrage !

LE CHŒUR
Ce n’est pas le Comte !

RENATO
Non, c’est moi
Qui suis devant vous.

TOM
Son fidèle ami !

SAMUEL
We have been
less fortunate than you;
we waited in vain
for a beautiful woman’s smile.

TOM
I at least should like to see
this goddess’ face.

RENATO
Not one step more: if you dare,
I’ll draw my sword –

SAMUEL
You threaten us?

TOM
I do not fear you.
(The moon is now shining brightly.)

AMELIA
Oh, heaven help us!

CHORUS (to Renato)
Put down sword –

RENATO
Traitors!

TOM (tries to pull off Amelia’s veil)
Enough of this –

SAMUEL
Nous avons eu
Moins de chance que vous :
C’est en vain que nous avons attendu
Le sourire d’une belle.

TOM
En tout cas, moi, je veux au moins
Voir le visage de cette enchanteresse.

RENATO
Pas un pas de plus ; si vous avancez
Je tire mon épée.

SAMUEL
Vous menacez ?

TOM
Je ne vous crains pas.
(La lune brille plus fort que jamais.)

AMELIA
Oh, ciel, à l’aide !

LE CHŒUR (à Renato)
À bas l’épée.

RENATO
Traîtres !

TOM (tenant d’arracher le voile d’Amelia)
Je veux en finir –

RENATO (drawing his sword)
Then your life
will pay for this insult.
(All attack Renato; at this moment, Amelia beside
herself, intervenes, and in doing so lets fail her veil.)

AMELIA
No – stop –

RENATO (thunderstruck)
What! Amelia!

SAMUEL and TOM
She! His wife!

AMELIA
Oh, heaven! Mercy!

SAMUEL and TOM
His wife!

RENATO
Amelia!

SAMUEL
See how, at night, the enamoured hero
comes here to rest with his bride,
and how in the honeyed moonlight
he lies on a bed of dew!

SAMUEL and TOM
Ha, ha, ha! Ha, ha ha!
What gossiping there’ll be about this,
what comments we’ll hear in the town!

RENATO (dégainant son épée)
C’est de ta vie
Que tu paieras cette insulte.
(Tout le monde se rue sur Renato, et Amelia,
bouleversée, en s’interposant laisse tomber son voile.)

AMELIA
Non, arrêtez –

RENATO (stupéfait)
Quoi, Amelia !

SAMUEL et TOM
Elle ! Sa femme !

AMELIA
Ah mon Dieu ! Pitié !

SAMUEL et TOM
Sa femme !

RENATO
Amelia !

SAMUEL
Voyez, la nuit, le héros amoureux
Vient se reposer ici avec son épouse,
Et sous les doux rayons de la lune
Il s’étend sur la rosée !

SAMUEL et TOM
Ah, ah, ah ! Ah, ah, ah !
Comme on va jaser sur cette aventure,
Quel bruit elle va faire dans la ville !

RENATO
This is my reward for saving him!
He has defiled my wife!
Because of him, I dare not lift my head,
he has destroyed my heart forever!

AMELIA
To whom, in this ever crueller world,
can you turn, O wretched Amelia?
Where will you find a compassionate hand
to dry your miserable tears?

SAMUEL and TOM
Ha, ha, ha! ha, ha. ha!
What gossiping there’ll be, etc.

RENATO
Because of him I dare not, etc.

AMELIA
To whom in this ever crueller, etc.

RENATO
(approaches Samuel and Tom, then resolutely)
Will you meet with me
at my home tomorrow morning?

SAMUEL and TOM
Are you asking for satisfaction?

RENATO
No. Something quite different is in my mind.

RENATO
Voici comment il me remercie de l’avoir sauvé !
Il a souillé mon épouse !
Par sa faute, je dois courber le front,
Il m’a brisé le cœur à jamais !

AMELIA
Vers qui dans ce monde cruel
Te tourneras-tu, malheureuse Amelia ?
Quelle main secourable sèchera
Tes larmes méprisées ?

SAMUEL et TOM
Ah, ah, ah ! Ah, ah, ah !
Comme on va jaser ; etc.

RENATO
Par sa faute, etc.

AMELIA
Vers qui, etc.

RENATO
(s’approche de Samuel et Tom et leur dit, d’un ton
résolu)
Voulez-vous vous présenter chez moi,
Demain matin ?

SAMUEL et TOM
Vous désirez peut-être réparation ?

RENATO
Non, j’ai bien autre chose en tête.

SAMUEL and TOM
What is it?

RENATO
If you come, you shall know.

SAMUEL and TOM
We shall not fail.
(as they go out, with their companions)
Let us go, then: each separate
from the others, each by a different way!

SAMUEL, TOM and CHORUS
Tomorrow morning
will see great things.
Let us go, let us go.
See how the tragedy changed to farce.
Ha, ha, ha! Ha, ha, ha!
What gossiping there’ll be, etc.

RENATO (alone with Amelia)
I have sworn to escort you
to the gates of the town.
Let us go! Let us go!

AMELIA (to herself)
How like the knell of death
his voice strikes on my heart!
(to Renato)
Oh no! Have pity!

CHORUS (from the distance)
What gossiping there’ll be, etc.

SAMUEL et TOM
Qu’avez-vous ?

RENATO
Vous le saurez, si vous venez.

SAMUEL et TOM
Nous y serons.
(sortant, suivis des leurs)
Partons donc : que chacun s’éloigne
Par un chemin différent !

SAMUEL, TOM et LE CHŒUR
Demain matin,
On apprendra de grandes choses.
Partons, partons !
Le tragédie se change en comédie.
Ah, ah, ah ! Ah, ah, ah !
Comme on va jaser etc.

RENATO (seul avec Amelia)
J’ai juré de vous conduire
Aux portes de la ville.
Partons ! Partons !

AMELIA (à part)
Sa voix retentit dans mon cœur
Comme un glas funèbre !
(à Renato)
Ah non ! Pitié !

LE CHŒUR (en coulisse)
Comme on va jaser etc.

ACT THREE

Scene One

The library of Renato’s house
(On the mantel, at one side, two bronze vases.
Opposite, bookshelves, on the rear wall, a magnificent,
full-length portrait of Riccardo. In the centre, a table.
Renato and Amelia enter. Renato lays down his sword
and closes the door.)


RENATO
For such an offence, tears are useless,
being powerless to efface it or excuse it.
Now all prayers are in vain;
Blood must flow, and you shall die.

AMELIA
But if the guilt, my guilt,
lies only in the fact which accuses me?

RENATO
Silence, adulterous woman.

AMELIA
Great God!

RENATO
Ask Him rather for mercy.

AMELIA
Does a single suspicion suffice for you?
And you want to kill me?
You insult me, no longer feeling
justice nor pity?

TROISIÈME ACTE

Première scène

Une bibliothèque dans la maison de Renato
(Sur une cheminée, de côté, il y a deux vases en bronze,
en face de la bibliothèque. Au fond, un magnifique
portrait en pied du Comte Riccardo. Au milieu de la
scène, une table. Renato entre, suivi d’Amelia. Il pose
son épée et ferme la porte.)


RENATO
Les larmes ne peuvent expier une telle faute,
Elles ne peuvent ni l’effacer ; ni l’excuser ;
Toute prière est vaine, désormais.
Le sang doit couler et tu mourras.

AMELIA
Mais si les apparences, si seules
Les apparences m’accusent ?

RENATO
Tais-toi, infâme.

AMELIA
Grand Dieu !

RENATO
C’est à Lui qu’il faut demander grâce.

AMELIA
Et il te suffit d’un seul soupçon,
Pour vouloir aussitôt verser mon sang ?
Pour m’accabler ; pour abandonner
Toute justice et toute pitié ?

RENATO
Blood must flow, and you shall die.

AMELIA
For a moment, it is true, I loved him,
but I did not disgrace your name.
God knows this, that in my breast
no unworthy passion ever burned.

RENATO (taking up his sword)
You have finished; it is now too late –
blood must flow, and you shall die.

AMELIA
Ah! You would kill me! So be it, then.
One grace I pray –

RENATO
Not from me.
Address your prayers to Heaven.

AMELIA (kneeling)
Only one word more to you.
Hear me out, it will be the last time.
I shall die, but first, in kindness,
ah, let me at least
clasp to my breast
my only child.
And if to your wife
you deny this last favour,
do not refuse the prayer
of a mother’s heart.
I shall die, but let his kisses
console this body,
now that the end has come

RENATO
Le sang doit couler et tu mourras.

AMELIA
Un instant, je l’ai aimé, c’est vrai,
Mais je n’ai pas souillé ton nom.
Dieu m’est témoin que dans mon cœur
N’a jamais brûlé un amour impie.

RENATO (saisissant son épée)
Finiras-tu ? Il est trop tard –
Le sang doit couler et tu mourras.

AMELIA
Ah ! je défaille ! Eh bien, soit –
Mais de grâce –

RENATO
Ce n’est pas à moi,
C’est au ciel qu’il faut demander grâce.

AMELIA (s’agenouillant)
Laisse-moi te dire un dernier mot.
Entends-moi, ce sera le dernier
Je mourrai, mais d’abord, par pitié,
Laisse-moi au moins
Serrer contre mon cœur
Mon fils unique,
Et si tu refuses à ta femme
Cette ultime faveur,
Du moins, cède aux prières
De mon cœur de mère.
Je mourrai, mais que ses baisers
Apaisent mon tourment,
Puisque je touche au dernier

to my brief life.
Once she is dead by his father’s hand
let him touch with his hand
these eyes of a mother
whom he will never see again.

RENATO
(without looking at her, pointing towards the door)
Arise; there is your son,
I permit you to see him. In the darkness
and the silence, there,
hide your blushes and my shame.
(Amelia goes out.)
It is not she, nor her breast
that I must strike.
Another’s blood must wash away the sin!
(gazing at the portrait)
Your blood!
and my dagger,
avenger of my tears,
shall draw it from your traitor’s heart!
You it was who stained that soul;
which was the joy of my own,
who inspired my trust, then loathsomely
poisoned all life for me.
Traitor, who in such a way regarded
the faith of your dearest friend!
Oh sweetness, lost; O memory
of a heavenly embrace,
when Amelia, in her pure beauty,
lay on my breast, in the warmth of love!
all is finished – now only hate
and death live in my widowed heart!
Oh, sweetness lost, oh, hope of love!
(Samuel and Tom enter, greeting him coolly.)

De mes trop brefs jours.
Lorsqu’elle sera tombée sous les coups
De son père, il étendra la main
Sur les yeux de sa mère,
Aveugle à tout jamais !

RENATO
(lui montrant une porte, sans la regarder)
Lève-toi ! Ton fils est là.
Je te permets de le revoir. Là.
Dans l’ombre et le silence
Cache ta rougeur et ma honte.
(Amelia sort.)
Ce n’est pas elle, ce n’est pas
Son cœur fragile que je dois frapper
Un autre, un tout autre sang doit laver l’affront !
(fixant le portrait)
Le tien !
Et le poignard traversera
Ton cœur déloyal :
Il vengera mes larmes !
C’est toi qui as souillé cette âme
Qui faisait la joie de la mienne ;
Tu as empoisonné, d’un trait ignoble,
Tout l’univers de ton ami confiant !
Traître ! qui récompenses de la sorte
La foi de ton meilleur ami !
Ô bonheur perdu ! Ô souvenirs
De ces célestes étreintes !
Lorsqu’Amelia, si belle et si pure,
Sur mon cœur ; resplendissait d’amour !
Tout est fini – il n’y a plus que haine
Et mort dans mon cœur veuf !
Ô bonheur perdu, ô espérance de l’amour !
(Samuel et Tom entrent et le saluent froidement.)

RENATO
We are alone. Listen to me, I know your plans in full.
You are determined to kill Riccardo.

TOM
You are dreaming.

RENATO (showing them papers on the table)
Here is the proof!

SAMUEL
And now you will reveal the plot to his lordship?

RENATO
No, I want
a part of it

TOM
You are joking.

RENATO
And not just words;
now, with facts, I shall quiet your suspicions,
I am yours, in me you will have a tireless comrade
in this bloody work;
my son shall be my warrant.
Kill him if I fail you.

TOM
Such a change
is scarcely credible.

RENATO
Nous sommes seuls. Écoutez. Je sais tout sur vos
desseins.
Vous voulez la mort de Riccardo.

TOM
Tu rêves !

RENATO (montrant quelques papiers sur sa table)
Voici les preuves !

SAMUEL
Et maintenant, tu vas dévoiler le complot au Comte ?

RENATO
Non – Je veux
En faire partie.

TOM
Tu plaisantes.

RENATO
Ce n’est pas avec des mots,
mais avec des actes que je dissiperai vos soupçons.
Je suis des vôtres, vous m’aurez pour compagnon
infatigable, dans cette œuvre sanguinaire :
mon fils vous servira d’otage.
Tuez-le si je vous trahis.

TOM
Mais un tel changement
Est à peine croyable.

RENATO
You must not try to know the cause,
I am yours, by the life of my only son!

SAMUEL and TOM (talking together)
He is not lying. No, he is not lying.

RENATO
You hesitate.
SAM and TOM
No more.

RENATO, SAMUEL and TOM
The shame of each, then, the shame of it all,
single that vengeance in our hearts
which shall fall on that damnable head,
tremendous, unappeasable in its fury.
The shame of each, etc.

RENATO
I ask only one thing of you.

SAMUEL
And that is?

RENATO
That I may be the one to kill him.

SAMUEL
No, Renato: he took the home
of my forefathers from me; that right is mine.

RENATO
N’en cherchez pas la raison.
Je suis des vôtres, je le jure sur la tête de mon fils
unique !

SAMUEL et TOM (à part)
Il ne ment pas. Non, il ne ment pas.

RENATO
Vous hésitez ?

SAMUEL et TOM
Pas davantage.

RENATO, SAMUEL et TOM
Ainsi, nos hontes à tous trois ne font plus qu’une,
Nos cœurs sont unis, à nous la vengeance,
Elle tombera terrible, rapide, impitoyable,
Sur cette tête que nous haïssons !
Ainsi nos hontes, etc.

RENATO
J’implore une faveur.

SAMUEL
Laquelle ?

RENATO
Confiez-moi le soin de le tuer.

SAMUEL
Non, Renato : il m’a arraché la demeure
De mes pères, et cela me revient de droit.

TOM
And to me, whose brother he killed,
who have been devoured by the anguish
of revenge, ceaselessly, for ten years,
what part would you give?

RENATO
Silence. Only by lot can we decide.
(He takes a vase from the mantel and places it on the
table. Samuel writes their names on three pieces of
paper and puts them into the vase.)
Who is coming?
(Amelia enters.)
You?

AMELIA
Oscar has come,
bringing an invitation from his lordship.

RENATO
From him!
Let him wait. Stay here. You must,
since it seems Heaven has sent you.

AMELIA (to herself)
What sadness comes over me, what sorrow!
What a flash of terror!

RENATO (indicating his wife to the two men)
She knows nothing – have no fear,
on the contrary, she will bring us luck,
(to Amelia, leading her to the table)
There are three names in this vase.
Your hand must choose one.

TOM
Et à moi, dont il a tué le frère,
Moi que depuis dix ans dévore, sans trêve,
Mon désir de vengeance,
Quel rôle me confierez-vous ?

RENATO
Silence. Seul le hasard doit en décider.
(Il prend un vase sur la cheminée et le pose sur la table.
Samuel écrit les trois noms et jette le bulletins dans le
vase.)
Qui vient ?
(Amelia entre.)
Toi ?

AMELIA
Oscar est là, qui apporte
Une invitation du Comte.

RENATO
De Riccardo !
Qu’il m’attende. Et toi, reste, il le faut :
Car il me semble que c’est le ciel qui t’envoie.

AMELIA (à part)
Quelle tristesse m’assaille, quelle peine !
Quel horrible éclair de terreur !

RENATO (indiquant sa femme aux deux autres)
Elle ne sait rien – n’ayez crainte. Elle est,
Au contraire, pour nous un heureux présage.
(à Amelia, l’amenant vers la table)
Il y a trois noms dans ce vase :
Que ta main innocente en choisisse un.

AMELIA
But why?

RENATO
Obey – ask no questions.

AMELIA (to herself)
There is no doubt – a fierce destiny
will have me partner in a murder.
(With trembling hand, she draws a slip from the vase
and gives it to her husband, who passes it to Samuel.)

RENATO
Who, then, is the chosen one?

SAMUEL
Renato.

RENATO
My name! O just fate,
vengeance is granted to me!

AMELIA (to herself)
Ah! You seek his lordship’s death!
The cruel words did not speak false.
Their daggers, already bared,
flash above his head.
Ah! you seek his lordship’s death:
Their daggers already flash!

RENATO, SAMUEL and TOM
The grief of America shall be paid for
by the traitor whose glory it was.
Let him who has struck fall stricken,
such is his just reward!

AMELIA
Pourquoi ?

RENATO
Obéis – n’en demande pas plus.

AMELIA (à part)
Cela ne fait aucun doute : le destin féroce
Veut me faire complice d’un meurtre.
(Amelia, d’une main tremblante, sort du vase un
bulletin que son mari donne à Samuel.)


RENATO
Qui est donc l’élu ?

SAMUEL
Renato.

RENATO
Mon nom ! Oh, juste sort
Tu me confies la vengeance !

AMELIA (à part)
Ah, ils veulent la mort du Comte !
Ces paroles cruelles le disent assez !
Au-dessus de sa tête, leurs lames nues
Brillent déjà de colère.
Ah, ils veulent la mort du Comte !
Leurs lames brillent déjà !

RENATO, SAMUEL et TOM
Le traître devra payer à l’Amérique
Les larmes dont il se faisait gloire.
Puisqu’il a frappé, qu’il tombe frappé à son tour ;
Ce n’est qu’une juste récompense !

RENATO (at the door)
Let the messenger enter.

OSCAR (to Amelia, as he enters)
My lord requests
your presence, with your husband,
at a masked ball
this evening.

AMELIA
I cannot come.

RENATO
Will his lordship be there too?

OSCAR
Of course.

SAMUEL and TOM (to each other)
Oh fate!

RENATO
(to the Page, while watching his companions)
Such an invitation
is precious, I know.

OSCAR
It will be a magnificent
masked ball.

RENATO
Splendid!
(indicating to Amelia)
She will come with me.

RENATO (à la porte)
Que le messager entre.

OSCAR (en entrant, à Amelia)
Mon maître
Vous convie, ce soir
Au bal, avec votre époux,
Si cela vous plaît.

AMELIA
Impossible.

RENATO
Le Comte y sera-t-il aussi ?

OSCAR
Certainement.

SAMUEL et TOM (à part)
Quelle chance !

RENATO
(au page, mais en regardant les autres)
Je sais apprécier
Une telle invitation.

OSCAR
Ce sera un bal masqué
Des plus splendides !

RENATO
À merveille !
(montrant Amelia)
Elle y viendra avec moi.

AMELIA (to herself)
Great God!

SAMUEL and TOM (aside)
We too shall go, if such a masquerade
will hasten the moment of our revenge.

OSCAR
Ah! what brilliance, what music
will fill the mansion
where the flower of our youth
will gather together,
the blossoms so fair
of our beautiful city.

AMELIA (to herself)
And it was I, wretched one,
who drew the pitiless sheet
from the evil urn
for my husband in his fury:
The sheet where death is written
for the noblest of all men.

RENATO (to himself)
My mind depicts him there,
lifeless among the dancers,
staining the floor
with his blood
the doer of evil will die,
he shall have no pity from us.

SAMUEL and TOM (to each other)
A revenge in masquerade –
it couldn’t be better,
in the press of the ball,

AMELIA (à part)
Grand Dieu !

SAMUEL et TOM (à part)
Et nous aussi, car cette mascarade
Devrait nous faciliter la tâche.

OSCAR
Ah, quel éclat, quelle musique,
Rempliront tous les salons,
Où se presseront tant de jeunes
Beautés en fleur,
Qui font palpiter les cœurs
De notre douce cité.

AMELIA (à part)
C’est moi la malheureuse, moi-même,
Qui ai sorti du vase complice
Pour mon époux plein de colère,
Le bulletin inexorable,
Sur lequel était inscrite la mort
Du plus noble des cœurs.

RENATO (à mi-voix)
Je l’imagine déjà mort,
Là, parmi les danseurs –
Et je vois son sang,
Teindre le plancher,
Celui qui apporte l’infamie
Meurt sans trouver de pitié.

SAMUEL et TOM (à part)
Une vengeance en domino,
Cela ne pouvait mieux tomber.
Parmi la foule de masques,

our plan will not fail;
It will be a funeral dance,
attended by pale beauties.

AMELIA (to herself)
If only I could warn him –
without betraying my husband!

OSCAR
You will be Queen of the ball.

AMELIA (to herself)
Perhaps Ulrica can do it.

SAMUEL and TOM (to Renato)
What costume shall I wear?

RENATO
Blue the domino, with a red sash tied in a knot at the
left.

SAMUEL and TOM
And what will our password be?

RENATO (sottovoce)
Death!

AMELIA (to herself)
If only I could warn him!

OSCAR
You will be Queen!

RENATO, SAMUEL and TOM
Death!

Notre projet est assuré ;
Ce sera un bal funèbre,
Pour de pâles beautés.

AMELIA (à part)
Ah, si je pouvais le prévenir – sans trahir
Mon époux !

OSCAR
Vous serez la reine du bal.

AMELIA (à part)
Peut-être Ulrica le pourra-t-elle.

SAMUEL et TOM (à Renato)
Quel costume porterons-nous ?

RENATO
Un domino bleu, avec un ruban rouge vif retenant
l’écharpe, sur l’épaule gauche.

SAMUEL et TOM
Et quel sera le cri de ralliement ?

RENATO (à voix basse)
Mort !

AMELIA (à part)
Si je pouvais le prévenir !

OSCAR
Vous serez la reine !

RENATO, SAMUEL et TOM
Mort !

Scene Two

A luxurious room in Riccardo’s home
(A table with writing materials; to the rear, a great
curtain separating the study from the ballroom.)

RICCARDO (alone)
Perhaps she has reached home
and is safe at last. Honour
and duty have destroyed the abyss
between us. Ah yes, Renato
will return to England – and his wife
with him. Let the great ocean divide us,
with no farewell – and let the heart keep silent.
(He writes; and as he is about to sign the document, he
lets the pen fall.)
I still hesitate? But O heaven, must I not?
(He signs and puts the document in his shirt-front.)
Ah, I have signed my sacrifice!
But if I must lose you
forever, light of my life,
my love will reach you
wherever you may be,
once the memory of you
is locked inside my heart,
and now what dark misgivings
assail my heart,
with the fatal desire
to see you once again –
as if this were the last hour
of our love?
(dance music from within)
Ah! She is there – I could see her once more –
could speak to her again –
but no: for now everything has torn me from her.
(Oscar enters, with a letter in his hand.)

Deuxième scène

Le somptueux cabinet du Comte
(Une table avec une écritoire. Dans le fond, un grand
rideau qui sépare la pièce de la salle de bal.)

RICCARDO (seul)
Elle doit être rentrée chez elle
Et se reposer enfin. L’honneur
Et le devoir ont creusé un abîme
Entre nos cœurs. Ah oui, Renato
Reverra l’Angleterre – et sa femme
L’y suivra. Sans un adieu, que l’immense
Océan nous sépare – et que mon cœur se taise.
(Il écrit, puis au moment de signer il laisse tomber sa
plume.)
J’hésite encore ? n’est-ce pourtant pas mon devoir ?
(Il signe, puis ferme le pli qu’il met sur son cœur.)
Ah, c’est mon sacrifice que j’ai signé !
Mais, s’il faut que je te perde
Pour toujours, ô ma bien-aimée,
Mon amour te suivra
Où que tu sois
Et je garderai ton souvenir
Au plus profond de mon cœur.
Mais quel présage funeste
Envahit mon esprit,
Qui me dit que le désir
Du te revoir me sera fatal –
Comme si ce devait être
La dernière heure de notre amour ?
(On entend de la musique.)
Ah, elle est là – je pourrais la voir – encore une fois,
Je pourrais lui parler à nouveau –
Mais non : désormais tout me sépare d’elle.
(Oscar entre un billet à la main.)

OSCAR
An unknown lady gave me this letter.
“It is for his lordship,” she said, “take it to him
secretly.”

RICCARDO
It says that during the ball
someone will attempt to kill me.
But if I don’t go then
they will think me a coward. This, no: no one
must even suspect it. Go – get ready,
immediately, to attend the ball with me.
(Oscar goes out.)
Yes, to see you again, Amelia.
As I look upon your beauty,
once again my heart
will burn with love.


Scene Three

A spacious, richly hung ballroom
(As the curtain opens, a crowd of guests is seen. Most
are wearing masks, some in costume, while others are
in evening dress, without masks. Some are seeking
friends, others trying to escape discovery, some
greeting, others pursuing. The whole scene glows with
richness and gaiety.)


CHORUS
Love and the dance go on
in these joyous halls,
while life is only
a fleeting dream.

OSCAR
Une femme inconnue m’a donné ce billet.
C’est pour le Comte, m’a-t-elle dit ; donne-le lui,
Secrètement.

RICCARDO
Il est écrit qu’au bal
Quelqu’un cherchera à me tuer
Mais, si je n’y vais point,
On dira que j’ai peur. Je ne le veux pas. Personne
Ne doit pouvoir le penser. Va, prépare-toi
Immédiatement à venir t’amuser au bal avec moi.
(Oscar sort.)
Oui, je te reverrai, Amelia,
Et mon âme, encore une fois,
En voyant ta beauté,
Brûlera d’amour.


Troisième scène

Une vaste et riche salle de bal
(Au lever du rideau, une foule d’invités se presse dans
la salle, la plupart masqués, quelques uns en domino,
d’autres en habit de gala, le visage découvert. On se
cherche, on s’évite, on se salue, on se poursuit. Tout
respire la joie et la magnificence.)


LE CHŒUR
La fièvre de l’amour et de la danse
Emplit ces joyeuses salles,
Où la vie n’est plus
Qu’un rêve merveilleux.

O night of precious moments,
of romance and of song,
why dost thou not halt thy flight,
to repose on the wave of pleasure?
(Samuel, Tom and their men, dressed in blue dominos
and red sashes, put in their appearance. Renato, in a
similar costume, comes slowly forward.)

SAMUEL (pointing to Tom)
There is another of our men.
(then, approaching Renato, sottovoce)
Death!

RENATO (bitterly)
Yes, death!
But he will not come.

SAMUEL and TOM
What do you mean?

RENATO
It’s useless to wait.

SAMUEL and TOM
Useless? Why?

RENATO
He is elsewhere.

SAMUEL
Oh deceiving fate!

TOM
He will escape us forever!

Ô nuit, pourquoi n’arrêtes-tu pas
Sur l’onde du plaisir
Le vol de tes doux instants,
De tes soupirs et de tes chants.
(Samuel, Tom et leurs partisans en domino bleu à
ruban rouge entrent. Renato, vêtu de même, s’avance
lentement.)

SAMUEL (indiquant Renato à Tom)
Voici encore un des nôtres.
(Il s’approche de Renato et dit doucement :)
Mort !

RENATO (amèrement)
Oui, mort !
Mais il ne viendra pas !

SAMUEL et TOM
Que dis-tu ?

RENATO
Nous l’attendrons en vain.

SAMUEL et TOM
Comment ? Pourquoi ?

RENATO
Il est ailleurs, voilà tout.

SAMUEL
Oh sort trompeur !

TOM
Il nous échappera toujours !

RENATO
Speak softly; someone is watching us.

SAMUEL
Who is it?

RENATO
The man to the left, in the short domino.
(They separate in the crowd, but Oscar, masked, follows
Renato.)

OSCAR
I shall not leave you,
you disguise yourself badly.

RENATO (avoiding him)
Away with you!

OSCAR
You are Renato.

RENATO (pulling off Oscar’s mask)
And you are Oscar.

OSCAR
How rude!

RENATO
Good enough – but is it right for you to steal down
to the ball while is lordship is asleep?

RENATO
Parlez bas ; quelqu’un nous observe.

SAMUEL
Qui donc ?

RENATO
Cet homme à gauche, avec le domino court.
(Ils se dispersent dans la foule, mais Renato est suivi
par Oscar masqué.)

OSCAR
Je ne te quitte plus, beau masque ;
Tu te caches mal.

RENATO (le fuyant)
Va-t’en donc !

OSCAR
Tu es Renato.

RENATO (lui arrachant son masque)
Et toi, tu es Oscar.

OSCAR
Malappris !

RENATO
Bravo, et trouves-tu bienséant, toi,
D’aller t’amuser ainsi, pendant que le Comte dort ?

OSCAR
He is here –

RENATO
What! Where is he?

OSCAR
I’ve told you –

RENATO
Well – which is he?

OSCAR
I won’t tell!

RENATO
A fine thing!

OSCAR
Find him yourself.

RENATO
Come, now!

OSCAR
You want to play the same trick on him?

RENATO
Calm yourself; can’t you tell me at least how he’s
dressed?

OSCAR
You want to know
how he is dressed,
while that is a thing

OSCAR
Le Comte est ici –

RENATO
Comment ! – Où ?

OSCAR
Je vous l’ai dit.

RENATO
Eh bien ? Lequel est-ce ?

OSCAR
Je ne vous le dirai pas !

RENATO
Voyons !

OSCAR
Cherchez-le vous-même !

RENATO
Allons !

OSCAR
Voudriez-vous lui jouer le même tour qu’à moi ?

RENATO
Va, calme-toi : dis-moi au moins quel est son
costume ?

OSCAR
Vous voulez savoir
Comment il est habillé
Alors que c’est une chose

he doesn’t want known.
Oscar knows,
but will not tell,
Tra-la-la-la!
My heart is aflame,
in a tumult of love,
but I still know how
secrets are kept.
Neither rank nor beauty
can make me tell –
Tra –la-la-la,
la, la, la!
(Oscar and Renato are separated by maskers and
groups of dancers.)

CHORUS
Love and the dance go on, etc.

RENATO
(catching up with him)
I know that you know who his friends are.

OSCAR
You want to ask him something,
or joke with him?

RENATO
Precisely.

OSCAR
And then to betray the person who told you?

Qu’il tient à cacher.
Oscar le sait
Mais ne le dira pas.
Tra la la la !
Plein d’amour
Mon cœur brûle
Mais je sais, discret,
Garder le secret.
Ni le rang, ni la beauté
Ne sauront me l’arracher,
Tra la la la,
La la la.
(Des groupes de masques et des couples qui dansent
les séparent.)

LE CHŒUR
La fièvre de l’amour etc.

RENATO
(se rapprochant d’Oscar)
Je sais que tu connais ses amis.

OSCAR
Vous voulez l’interroger ;
Et même peut-être plaisanter ?

RENATO
Exactement.

OSCAR
Puis compromettre votre informateur ?

RENATO
You offend me.
Believe me, I know all I need to know.

OSCAR
It’s quite important to you?

RENATO
There are urgent matters
which I must discuss with him. It will be
your fault if I don’t succeed.

OSCAR
Well, then!

RENATO
If you tell me, it’s a favour to him.

OSCAR (rapidly coming closer)
He is wearing a black cape, with a pink ribbon on his
chest.

RENATO
One word more.

OSCAR (moving off into the crowd)
I have said more than enough.

CHORUS
Love and the dance, etc.
(The dancers move about. Renato sights one of his men
across the room and leaves. Shortly, the movement of
the dance brings Riccardo to the fore, he is dressed in a
black costume with a pink ribbon. He is lost in thought.
Behind him is Amelia, in a white costume.)

RENATO
Tu m’offenses.
C’est une confidence dont je connais le prix.

OSCAR
C’est donc important ?

RENATO
Je dois avant la nuit
Lui annoncer des choses graves. Je ferai retomber
Sur toi la faute, si je n’y parviens pas.

OSCAR
Dans ce cas !

RENATO
Si tu parles, c’est lui que tu sers, pas moi.

OSCAR (s’approche et rapidement)
Il porte une cape noire, avec un ruban rose sur le
cœur.

RENATO
Encore un mot.

OSCAR (se perdant dans la foule)
J’en ai déjà trop dit.

LE CHŒUR
La fièvre de l’amour, etc.
(Les couples de danseurs envahissent l’avant-scène.
Renato aperçoit au loin quelques-uns de ses complices
et s’éloigne de leur côté. Lentement, tandis que les
couples retournent vers le fond, Riccardo, en domino
noir à ruban rose, s’avance, soucieux, et derrière lui,
Amelia en domino blanc.)

AMELIA
(softly, in an altered, unrecognisable voice)
Ah! Why are you here? Go away –

RICCARDO
It was you who sent the letter?

AMELIA
Here you are surrounded by death.

RICCARDO
I am not frightened.

AMELIA
Go, go, or you will fall here,
stabbed to death!

RICCARDO
Tell me your name.

AMELIA
Great God! I cannot

RICCARDO
Then why do you weep – plead, so frightened?
Why do you feel such concern for my life?

AMELIA
For your life, I would sacrifice my own!

RICCARDO
You cannot hide yourself: you are that angel, Amelia!

AMELIA
(à mi-voix, pour ne pas être reconnue)
Ah, pourquoi êtes-vous venu ? Fuyez –

RICCARDO
Tu es celle qui m’a écrit ?

AMELIA
La mort vous guette –

RICCARDO
Mon cœur ne connaît point la crainte.

AMELIA
Fuyez, fuyez, ou vous tomberez
Mort ici.

RICCARDO
Dis-moi ton nom.

AMELIA
Grand Dieu ! Je ne puis.

RICCARDO
Pourquoi pleures-tu – me supplies-tu, terrifiée ?
Pourquoi prends-tu tant d’intérêt à ma vie ?

AMELIA
Je donnerais tout mon sang pour te sauver.

RICCARDO
Tu te caches en vain, Amelia : tu es mon bon ange.

AMELIA (desperately)
I love you, yes, I love you, and in tears
I fall at your feet,
here where an unknown dagger
of vengeance is thirsting for your blood.
If you stay here,
tomorrow you will be dead.
Save yourself – go – leave me,
fly from those that hate you.

RICCARDO
As long as you love me, Amelia,
I care nothing for my fate!

AMELIA
Fly!

RICCARDO
I have nothing to save you in my soul,
and the rest of the world is forgotten.

AMELIA
Save yourself!

RICCARDO
Nor am I afraid of death –

AMELIA
Go!

RICCARDO
Because even stronger than death –

AMELIA
Ah! Save yourself!

AMELIA (avec désespoir)
Je t’aime, oui, je t’aime, et, en larmes,
Je me jette à tes pieds,
Ici où te cherche, en se cachant,
Le poignard de la vengeance,
Si tu restes ici, demain
Tu seras mort ;
Sauve-toi, va, laisse-moi,
Fuis loin de leur haine.

RICCARDO
Du moment que tu m’aimes, Amelia,
Mon sort m’importe peu !

AMELIA
Fuis !

RICCARDO
Dans mon âme, il n’y a que toi
Et j’oublie tout l’univers.

AMELIA
Sauve-toi !

RICCARDO
Je ne saurais craindre la mort –

AMELIA
Va !

RICCARDO
Car plus fort que la mort –

AMELIA
Ah, sauve-toi !

RICCARDO
Is the breath of your love
which intoxicates me.
Because even stronger than death
is the breath of your love
which intoxicates me.

AMELIA
Tomorrow you will be dead
if you stay here.
Save yourself, leave me, fly,
fly from those that hate you!
Then you insist on seeing me
die of anguish and shame?

RICCARDO
I want to save you.
Tomorrow, with Renato, you will go –

AMELIA
Where?

RICCARDO
To your native land.

AMELIA
To England?

RICCARDO
My heart is breaking – but you will leave – farewell!

AMELIA
Riccardo!

RICCARDO
Est le souffle qui m’enivre,
De ton divin amour.
Car plus fort que la mort
Est le souffle qui m’enivre
De ton sublime amour.

AMELIA
Si tu restes ici,
Demain tu seras mort.
Sauve-toi, laisse-moi, fuis,
Fuis loin de leur haine !
Veux-tu donc me voir morte
De douleur et de honte ?

RICCARDO
Non, je veux te sauver –
Demain tu partiras avec Renato –

AMELIA
Où ?

RICCARDO
Vers ton sol natal.

AMELIA
En Angleterre !

RICCARDO
Mon cœur se brise – mais tu partiras – adieu.

AMELIA
Riccardo !

RICCARDO
My heart is breaking – I leave you, Amelia!

AMELIA
Riccardo!

RICCARDO
Once more, farewell!

AMELIA
Alas!

RICCARDO
For the last time! Farewell!

AMELIA
Farewell!

RENATO
(unobserved, he throws himself between and stabs
Riccardo)
And this is my farewell to you!

RICCARDO
Ah!

AMELIA
Help!

OSCAR (running to Riccardo’s side)
Oh heaven! He is murdered!
(Ladies, officers and guards rushing from all sides.)

RICCARDO
Mon cœur se brise – je te quitte, Amelia !

AMELIA
Riccardo !

RICCARDO
Encore une fois, adieu !

AMELIA
Hélas !

RICCARDO
Pour la dernière fois, adieu !

AMELIA
Adieu !

RENATO
(s’élançant entre eux, qui ne l’avaient pas vu, il frappe
Riccardo)
Et toi reçois le mien !

RICCARDO
Ah !

AMELIA
Au secours !

OSCAR (accourant vers son maître)
Oh, ciel ! Lui, assassiné !
(De toutes parts, entrent des dames, des officiers et des
gardes.)

SOME GUESTS
Who did it?

OTHERS
Where is the villain?

OSCAR (indicating Renato)
There he is!
(All surround him and tear off his mask.)

ALL
Renato! Ah! Death, infamy
our swords upon him,
our avenging swords!
Death to the traitor!
Death, death to the traitor!
Death, infamy to the traitor!

RICCARDO
No, no – leave him.
(to Renato)
You must listen to me,
She is pure: in the arms of death,
while God hears my words, I swear it.
I, who loved your wife,
respected her purity.
(He gives him the document.)
Advanced to a new post,
you were to leave with her –
I loved her, but would not have
either her heart or your name offended!

AMELIA
Oh, what remorse of love
devours my heart,

QUELQUES-UNS DES INVITÉS
Par qui ?
D’AUTRES
Où est l’infâme ?

OSCAR (montrant Renato)
Le voici !
(Tout le monde l’entoure et lui arrache son masque.)

TOUS
Renato ! Ah ! Mort, infamie,
Au traître !
Que nos fers le déchirent,
Nos fers vengeurs !
Mort, mort au traître !
Mort, infamie au traître !

RICCARDO
Non, non – laissez-le.
(à Renato)
Écoute-moi encore.
Elle est pure : au seuil de la mort
Je te le jure, Dieu m’est témoin !
Moi, qui aimais ton épouse,
J’ai respecté sa vertu.
(Il lui donne le pli.)
Nommé à de plus hautes fonctions,
Tu devais partir avec elle –
Je l’aimais, mais je voulais respecter
Ton nom et son cœur !

AMELIA
Oh, remords de l’amour ;
Qui dévorez mon cœur ;

between the guilty, bloodied one
and his victim, who lies dying!

OSCAR
O boundless grief!
O dreadful tragedy!
His brow is already moist
with the sweat of death!

RENATO
Heaven! What have I done! And what
awaits me, accursed man, on earth!
What thirst for vengeance and for blood
was inspired by my tragic error!

RICCARDO
My thanks to all; I still am ruler here,
any my pardon absolves everyone.

ALL except RICCARDO
Spare us, merciful God,
so great and generous a heart!
To us wretched ones on earth,
He is a ray of Thy heavenly love!
He is dying –

RICCARDO
Farewell, forever, my children –
farewell – beloved America –

ALL
He is dying!

Entre un coupable couvert de sang
Et sa victime qui meurt !

OSCAR
Oh, douleur sans bornes !
Oh, malheur atroce !
La sueur de l’agonie
Rougit déjà son front !

RENATO
Ciel ! Qu’ai-je fait ! et que deviendrai-je,
Exécré, sur cette terre !
Par quelle erreur funeste ai-je été assoiffé
De sang et de vengeance !

RICCARDO
Grâce pour tout le monde : je suis le maître ici,
Et j’accorde mon pardon à tout le monde.

TOUS excerpté RICCARDO
Conserve-nous, ô Dieu de miséricorde,
Un cœur si grand et généreux !
Pour nous, les damnés de cette terre,
Il fut un rayon de ton céleste amour !
Il meurt –

RICCARDO
Adieu à jamais, mes enfants...
Adieu – Amérique bien-aimée –

TOUS
Il meurt !

RICCARDO
Farewell, forever, my children – ah –
Ah! I am dying! My children, forever – farewell!

ALL
Night of horror, night of horror!


END
RICCARDO
Adieu, mes enfants, à jamais – ah –
Hélas, je meurs ! Mes enfants, à jamais – adieu !

TOUS
Nuit d’horreur ; nuit d’horreur !


FIN

 

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